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Castration et perte


La différence entre angoisse et sentiment de castration a déjà fait l’objet d’un article, mais devant, d’une part, la difficulté à expliquer concrètement ce qu’est la castration, d’autre part, le nombre de rêves publiés sur cette thématique, ce second article viendra compléter ce qui a déjà été dit.

La peur de la castration est une invention psychanalytique, invention ne signifiant pas qu’il s’agit d’un mensonge, mais simplement que cette théorie permet de comprendre les réactions, peurs, sentiments inconscients d’un enfant de 4 ans environ au moment de la découverte de la différence des sexes.

Un jour sur la Côte d’Azur

Vous êtes en vacances sur la Côte d’Azur, dans l’une des régions les plus belles de France et donc particulièrement chère, d’ailleurs ce séjour vous coute déjà une petite fortune et les frustrations sont d’autant plus nombreuses (quand l’après-midi sur la plage est facturée quelques dizaines d’euros, on préfère rester dans l’eau...).

Et là arrive une voiture de sport que l’on croyait n’exister que dans les magasines, il faut avouer qu’une automobile de cette puissance dans les embouteillages c’est un peu ridicule, en tout cas le cabriolet permet d’attirer l’attention, et le couple souriant qui descend juste devant un palace en vaut la peine : lui est plus beau qu’on ne l’imaginait, très grand finalement, c’est un homme célèbre, riche, tandis qu’elle doit être mannequin, pleine d’assurance, or il n’y a pas de caméra, ce n’est pas un film, c’est la vie de ces gens-là.

Vous percevez subitement que jamais vous n’aurez cette vie-là. Vous haussez les épaules, c’est comme cela...

La castration pour le petit enfant, c’est un peu la même chose, mais aussi la première fois, et ce n’est pas aussi facile que cela d’accepter son destin, ses limites, le pouvoir des autres, et finalement le sien.

Ce que le petit enfant découvre

Le petit enfant découvre simultanément deux vérités au moment de la castration :

La fin réelle de l’omnipotence imaginaire de l’enfant

Tout d’abord, découvrir la différence des sexes, c’est comprendre que l’on sera ou bien garçon ou bien fille.

Déjà dans sa vie, ses parents ont placé l’enfant devant des limites. En particulier, le sevrage a été une épreuve sévère. L’apprentissage de la retenue des fèces (ne pas faire caca dans sa couche, au plus tard avant l’entrée à l’école !), a là aussi obligé à beaucoup de maîtrise du corps, à une confrontation entre le corps et les désirs des parents. Et bien d’autres limites devront avoir été posées par les parents, en particulier par le père qui est alors totalement dans son rôle.

Mais toutes ces limites ont toujours été ressenties comme imposées par d’autres, les parents, leurs substituts, l’école... En revanche, la constatation de la différence des sexes trouve son origine cette fois dans le corps propre de l’enfant. Cette limitation est constitutive de son être :
 La petite fille doit reconnaître qu’elle n’a pas le pénis des garçons, elle a le sentiment d’un manque (on parle dans la théorie de sentiment de castration).
 Le petit garçon dispose de cet attribut envié par la petite fille, il possède quelque-chose de précieux, qu’on pourrait donc lui prendre comme on l’a ôté à la petite fille (c’est l’angoisse de castration).

Dans les deux cas, on ne sera jamais tout, mais qu’une moitié seulement des possibles : ou du sexe masculin, ou du sexe féminin, et l’autre sexe en restera toujours un mystère ("ce continent noir", disait Freud de la femme...), source de curiosité, d’attirance et de désirs.

Le petit enfant doit se résoudre à hausser les épaules et penser : la réalité vécue par l’autre sexe est la sienne, et ne sera jamais la mienne (car contrairement à notre exemple de couple idéal à Saint-Tropez, au jeu des sexes il n’existe aucun espoir de gagner le gros lot du loto !).

Un autre regard sur les parents

La mère est une femme, elle ne possède pas de pénis, mais c’est elle qui fait les enfants. Le père quant à lui a un gros pénis, et c’est donc lui qui possède la mère.

L’enfant, indépendamment de son sexe, doit accepter ce nouveau regard :
 Sur la mère, qui finalement ne possède pas tout, et n’est pas l’objet idéal qu’il croyait depuis sa naissance, son plus grand amour depuis toujours.
 Sur le père, dont l’importance devient incontestable en raison de son pénis, confondu avec le phallus.

A la différence du pénis qui est un organe sexuel, le phallus est un objet imaginaire signe de puissance. Dans notre exemple ensoleillé, le phallus qui apparaît en premier est la voiture. Pour bien des hommes, l’automobile, ou tout autre objet désirable, conserve le rôle de ce phallus, et c’est pourquoi il recherchent la plus grosse, la plus puissante, indépendamment de l’usage réel qu’ils pourront en faire (les embouteillages symbolisant la réalité frustrante).

Dans un premier temps l’enfant déduit de la différence des sexes que c’est le père qui possède ce phallus. Mais ensuite, et c’est indispensable autant pour le petit garçon que la petite fille évidemment, l’enfant va comprendre que le phallus n’est pas obligatoirement le pénis, et que la mère également détient cette puissance non liée au sexe (découverte qui intervient secondairement, et d’autant plus rapidement que dans le couple des parents la mère sera effectivement reconnue comme l’égal du père).

Si la mère n’est plus un objet idéal, si le père prend une place aussi importante que la sienne, alors le positionnement du petit enfant par rapport à ses parents va être modifié, la castration s’emboitant alors au complexe d’œdipe :
 le sentiment de castration détache la petite fille de sa mère pour lui préférer le père au début de l’œdipe, dans une recherche du phallus qu’elle devra finalement découvrir à l’intérieur d’elle-même (dans son Soi et dans son potentiel à porter des enfants),
 l’angoisse de castration pousse le petit garçon de se détacher progressivement de sa mère et à sortir de l’œdipe.

PS : sur l’œdipe, consulter nos deux articles publiés dans ce dossier.

La castration bien des années plus tard

Chacun à sa place, et chacun a sa place : ce sont ces deux propositions qui prennent forme et se complètent petit à petit durant les périodes de castration et œdipienne, pourtant ce qui les oppose ne tient qu’à un accent, une différence minime mais capitale, comme le pénis au moment de la construction identitaire de l’enfant, de la castration...

Ainsi, ces angoisses et sentiments violents ressentis durant l’enfance conduisent progressivement à un correct positionnement vis à vis des parents, des générations, et donc plus largement des autres. Bien des années plus tard, en vacances, on accepte l’autre dans ses différences, économique, sexuelle, physique... On ne se soumet pas à la puissance de l’autre, mais, reconnaissant en soi-même cette même puissance, on peut vivre ces différences sans se sentir blessé (narcissiquement, intérieurement) par la réalité de l’autre.

Mais ce n’est pas aussi simple ! Inconsciemment, il reste toujours un peu d’angoisse, ou de sentiment de castration. Alors le soir, dans nos rêves, ou plutôt pour l’occasion dans nos cauchemars, ces affects refoulés refont surface et se déchargent dans des images de doigts coupés, de têtes tranchées, de blessures de toute sorte, de dents arrachées et cheveux qui tombent par poignées...

Qu’il est difficile de s’accepter tel que l’on est ! C’est à dire finalement d’accepter la perte de l’omnipotence ressentie durant les premiers temps de la vie, que l’on croyait d’ailleurs éternité. La castration, la perte, c’est la vie, la mort. Une notion indispensable à toute étude psychanalytique par conséquent. Et des images inévitables dans les rêves.

EN CONCLUSION :

La castration, c’est la perte. Aussi, des images de castration dans les rêves (membres coupés, corps déchiqueté, blessures, déchirures, dents branlantes et cheveux qui tombent...) apparaissent dès que l’angoisse de la perte réapparaît dans nos vies, attachée à tel ou tel évènement récent, qui réactive les peurs inconscientes rencontrées durant l’enfance.




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