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Des symboles communs à tous ? Chapitre 3


Quelle part d’un symbole peut puiser sa source dans une racine commune à tous les Hommes ? La question a quelque-chose de magique. Cette inversion des mots tout d’abord, source et racine. La source qui puise dans la racine ? On imagine alors la phrase réversible : les Hommes partageant une racine commune dans la source du symbolisme ; cela semble sonner juste aussi. L’Homme défini comme l’animal se construisant par le symbolisme ; c’est même un principe de base de la psychanalyse, l’enfant devant accéder au père symbolique pour se séparer de la mère, et accéder ainsi à sa propre unité.

Mais revenons à la question posée, un même symbole pourrait-il activer une sensibilité commune à tous ? Si l’on se souvient que tout a été perdu très rapidement, mais qu’auparavant le lien à la nature était une nécessité pour l’Homme, alors comment ne pas imaginer que des tendances intérieures n’aient pas, au fil des millénaires, comme par une lente fossilisation, fini par se confondre avec tel ou tel symbole. L’arbre par exemple, pour dire nos racines, ou encore l’équilibre à rechercher continuellement entre le bas et le haut, le corps et l’esprit, entre instinctualité et spiritualité. Évoquant l’alchimie, Le livre des symboles relève : « des représentations intuitives imaginaires montraient l’arbre portant le soleil, la lune et les étoiles comme des fruits lumineux d’or et d’argent, ou encore rempli de fleurs ou d’oiseaux chantants ; toutes exprimaient l’élévation spirituelle, l’intégration de nombreuses forces vitales différentes et l’imagination féconde, essentielles au processus symbolique. Au sommet de l’arbre, la belle symétrie de son feuillage signifiait l’union des contraires. »

Un symbole notamment illustre cette hypothèse d’un sens potentiellement partagé par tous. Rarement rencontré dans les rêves nocturnes mais bien plus fréquemment en rêve éveillé, il s’agit du paon. Georges Romey en dit : « Le symbole est un auxiliaire inséparable du besoin d’être remarqué. La parure du paon rêvé est lourde de la souffrance de n’avoir pas été vu. On devine aisément que la racine de ce mal-là s’est installée dans les années d’enfance. Le regard des autres ne compensera jamais le déficit de regard d’un père ou d’une mère. Un regard a manqué et le rêveur ne sera plus jamais vu, vraiment vu. »3 Bien évidemment, il s’agit d’un extrait du travail réalisé sur ce symbole par le fondateur de l’École du Rêve Éveillé Libre (EREL) et poursuivi par ses successeurs. Le résultat d’années de pratique, à l’opposé donc des interprétations mécaniques du type : J’ai rêvé d’un chacal, Vous risquez un contrôle fiscal.

Généralement pour le rêveur, l’éruption du paon apparaît incompréhensible, et cela renforce la surprenante adéquation entre son utilisation inconsciente et la direction d’interprétation proposée. Dans l’exemple suivant, la rêveuse se voit dès le début de son rêve éveillé dans « un costume de plumes de paon ». Elle se met à danser, un peu étonnée de la perfection de ses gestes. Puis « le costume noircit, les plumes de paon ont disparu ou deviennent noires ». Sa danse exprime alors la colère, un nuage de poussière rouge l’entoure. En réalité, ce nuage sort de son corps, de ses mains, et lui permet de disperser sa colère.

D’où vient cette colère ? Pourquoi ces plumes, au cours de la danse, se colorent-elles de noir ? Certes, la rêveuse a pratiqué la danse classique, de l’âge de cinq à douze ans, et cette activité lui permettait d’exprimer ses sentiments, se souvient-elle. Mais surtout, jeune pianiste, à partir de l’âge de onze ans, elle se produit lors d’un concert annuel dans la prestigieuse salle Pleyel à Paris. Ses parents se déplacent la première année. Les suivantes, elle observe les parents des autres, les siens n’étant jamais revenus. Elle se remémore parfaitement, adolescente, en chemin vers ce lieu symbolique, cette scène ouverte aux enfants pour se montrer à leurs parents, une émotion encore intacte : « tristesse profonde ».

Qu’autorise un tel rêve ? L’acceptation du manque tout d’abord. Qu’il est difficile de se dire que l’on a manqué, de reconnaître le vide en nous ! Et de reconnaître ce besoin, compulsif et compensatoire, d’attirer à soi le regard des autres, leur attention leur admiration leur amour, pour boucher ce trou béant depuis l’enfance, qui engloutit sans fin une énergie considérable, celle faisant justement défaut par ailleurs. Or la symbolique dit tout cela, l’attente déçue et toujours actuelle, le noir, la colère. Elle permet de se voir comme jamais, d’un coup, en entier. Mais encore de concevoir, à travers un symbole commun, dans la particularité de son histoire une tristesse partagée par beaucoup, et de trouver dans ce lien, non plus la source d’un désespoir sans fond, mais une faille que l’adulte peut s’autoriser, maintenant, à enjamber.

EN CONCLUSION :

Chapitre 3 du livre Rêver pour être.




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